Marcel Gauchet a présenté l’état de ses travaux et de sa réflexion menée avec Marie-Claude Blais et Dominique Ottavi sur « ce que veut dire apprendre » le mardi 15 Avril au Pôle Rive Droite 16/18, avenue de la Résistance à Auxerre de 18h30 à 20h30.
Compte-rendu de la conférence
Que retenir ou qu’aurions-nous appris de Marcel Gauchet, conférencier médiateur ? Qui a planché sur le thème de son livre, Apprendre, transmettre.
L’école traditionnelle distribuait l’instruction publique, les savoirs non pas élémentaires mais primordiaux. C’était à sens unique. Depuis 1970, l’enfant, l’adolescent, est devenu un apprenant. Il est au centre du système et de l’univers, il doit construire et acquérir ses savoirs, par lui-même, par tous les moyens.
Un des paradoxes de ce processus historique et sociétal est que les savoirs primordiaux (lire compter écrire), comme les qualifie Marcel Gauchet, sont en perte de vitesse au point qu’ils font défaut, même à l’école Polytechnique. Or pour le conférencier on n’en a jamais fini d’apprendre dans la vie et que lire, compter et écrire sont des outils essentiels qui doivent être automatisés, donc répétés sans relâche pour qu’ils fonctionnent.
L’idée en vigueur longtemps était que l’École Républicaine assurait la « correction » des inégalités issues des différents statuts sociaux, et en cela assurait l’égalité républicaine plus large perpétuant la devise de la République. En somme, les acquisitions cognitives des défavorisés leur permettraient de combler leur handicap supposé et de rattraper les autres. Or cela ne semble pas marcher, au contraire, le système accroîtrait les inégalités.
La réalité et les faits sont têtus. Les études démontreraient que le nombre de mots que posséderait un enfant à l’âge de 6 ans, déterminerait sa réussite sociale. En gros, la barre serait de 600 mots. Autrement dit, le langage et ses élements sont un aspect fondamental dans le phénomène et l’équation complexe et peu connue encore, de l’apprentissage et de la transmission. Comment apprend-ton …? On ne le sait au juste sur le plan scientifique. Comment transmet-on, idem, même problématique. Une chose est claire (si on a bien compris) : il faut avoir quelqu’un à l’intérieur du cercle des initiés. Mais cela ne suffit pas.
« Mettre fin à la division du travail »
Alors ? L’investissement des familles est capital. L’école ne peut s’y substituer. Les résultats sont directement liés à l’investissement des familles, autre paradoxe.
Aussi, conclut Marcel Gauchet, tant que le politique n’aura pas mis les dossiers sur la table pour en débattre globalement, tant que le politique persistera comme aujourd’hui, dans la « division du travail », école d’un côté, familles de l’autre, tant que l’Éducation nationale demeurera opaque et peu transparente (impossible de connaître le nombre d’enseignants qui démissionnent par exemple même lorsqu’on est chercheur…), les véritables progrès de la réflexion ne pourront se faire.
Mettre les faits et les questions sur la table, cela est aussi vrai pour les autres problèmes de l’éducation, par exemple la violence, thème qui fit irruption dès le début du débat dans la salle du Pôle Rive droite..
Cela semble être la condition nécessaire mais pas suffisante pour progresser collectivement afin que que les enseignants qui sont promis à bel avenir en tant que médiateurs, à en croire Marcel Gauchet, puissent assurer leur mission au sein d’une Éducation nationale refondée et porteuse d’avenir. Capable de développer l’apprentissage du bien vivre ensemble dans le respect mutuel : Marcel Gauchet se dit consterné par ce qui se passe dans les cours de récréation dans les écoles, aujourd’hui. Insultes, invectives et violences permanentes. Pourquoi ?
P.-J. G.