« Nous savons tous, quand on enseigne, que ce qu’on apprend minimalement aux étudiants, c’est qu’il ne faut pas se satisfaire de citations tirées de leur contexte auxquelles on peut faire dire absolument n’importe quoi – nous en sommes témoins tous les jours -, mais qu’il y a une cohérence de raisonnement, qu’il faut la restituer, ce qui suppose une analyse. (…) Je peux démonter chacune des citations qui sont données dans ce texte en les rétablissant simplement dans leur contexte et dans leur intention et en montrant qu’elles sont fantasmagoriques. C’est cela le métier d’historien. Je vais vous dire mon sentiment sur ce qu’est cette opération. Elle déshonore ses auteurs en tant qu’historiens. Et puisqu’ils invitent au boycott de ce que je peux avoir à dire, et encore une fois je ne me suis pas imposé, on m’a demandé (…), moi je les invite à démissionner de l’université à laquelle ils portent grave atteinte à son crédit. (…)
Que l’histoire soit devenue plus réflexive, je m’en félicite, j’ai comme vous le savez pas mal contribué à une entreprise qui a fait pour cela avec « Les lieux de mémoire ». Mais il y a un usage parfaitement pervers de l’historiographie qui consiste en général hélas purement et simplement à démonter les discours du passé en leur prêtant des intentions qu’ils n’avaient pas nécessairement. Il y a une très mauvaise historiographie, et cela me frappe énormément parce que je suis fervent partisan d’une bonne, qui est une instrumentalisation du discours des historiens au passé pour des finalités militantes du présent assez évidentes. » (Marcel Gauchet)
Débat d’actualité proposé le 10 octobre 2014 dans le cadre de la 17ème édition des Rendez-vous de l’histoire de Blois sur le thème des rebelles par le journal Le Monde avec Jean Birnbaum, Marcel Gauchet, Élisabeth Lévy et Nicolas Offenstadt.