Ils se sont fait connaître, le 14 mai 2009, dans un appel à « refonder l’université » publié dans Le Monde. Cette quarantaine d’enseignants-chercheurs, venus de tous les bords et que l’on surnomme désormais les « refondateurs », viennent de transformer l’essai dans un livre-manifeste publié le jeudi 7 octobre. Seul un noyau de ces refondateurs – le juriste Olivier Beaud, les sociologues Alain Caillé et François Vatin, le philosophe Marcel Gauchet et le physicien Pierre Encrenaz – a tenu la plume de cette longue analyse du grand mouvement universitaire de 2009, mais aussi et surtout de l’état actuel de l’enseignement supérieur français.
Ce groupe s’est en effet donné pour objectif non pas de refonder la seule université, mais de lancer le débat et d’avancer des propositions pour « reconstruire l’ensemble du supérieur ». Car la thèse centrale de cet essai est bien là.
Si l’université a connu et connaît un grand nombre de problèmes, on ne les résoudra pas en la dotant seulement d’une autonomie de gestion, argumentent les refondateurs. Il est urgent de revoir l’équilibre global du système d’enseignement supérieur. « La loi d’autonomie souffre d’un vice congénital, écrivent-ils. Elle ne traite que de l’université, comme si la crise était interne à cette seule institution. Or le problème à résoudre est celui de la cohérence d’ensemble de l’enseignement supérieur français. L’université ne pourra pas retrouver son rôle historique, celui d’un lieu de référence dédié à la production, à la conservation et à la transmission du savoir, tant qu’elle aura comme fonction pratique privilégiée d’accueillir le public qui n’aura pas trouvé de place dans les autres cursus d’enseignement supérieur. »
Bref, il faut instaurer une équité entre l’ensemble des voies d’études. Cela passe par un alignement des financements de l’université sur les classes préparatoires, instituts universitaires de technologie (IUT) et autres sections de techniciens supérieurs (STS), mais aussi par un recrutement sélectif.
Transformées progressivement en « voitures-balais » du supérieur, les facultés doivent désormais pouvoir accueillir les étudiants, en fonction des capacités de ces derniers. Cela passe par un « grand service public propédeutique réunissant (ce qui ne veut pas dire normalisant dans un dispositif uniforme) IUT, STS, classes prépas et premiers cycles ». Mais aussi par un régime de sélection-orientation commun à l’ensemble des filières.
RÉINVENTER LA PROPÉDEUTIQUE
Ce dispositif étant difficilement acceptable, tant pour l’opinion publique que pour les universitaires très attachés à l’accueil de tous les bacheliers, ces premiers cycles continueraient de recruter l’essentiel des bacheliers. Mais, aux jeunes titulaires notamment d’un bac technologique ou professionnel, dont le niveau serait jugé trop fragile, serait proposée une « année zéro ».
Cette propédeutique permettrait de les préparer spécifiquement à l’université. Après examen, ils pourraient rejoindre une première année. Aujourd’hui, seul un étudiant sur deux valide sa première année, 20 % décidant de la redoubler.
Avantages de ce dispositif : il permet d’améliorer l’encadrement en licence et d’assurer une prise en charge idoine de tous. Il remet également de l’équité dans le système et donne aux universités les mêmes outils pour attirer les bons étudiants que les autres filières du supérieur.
Refonder l’université. Pourquoi l’enseignement supérieur reste à reconstruire. La Découverte, 274 p., 19 euros
Philippe Jacqué