La Croix se fait l’écho de la sortie d’un livre d’entretien intitulé « Le religieux et le politique » (lien amazon)
Une introduction pédagogique à l’œuvre de Marcel Gauchet
Les Éditions Desclée de Brouwer (groupe Parole et Silence) initient une nouvelle collection, intitulée « Religion et Politique », confiée à Olivier Bobineau, qui se donne pour objectif de « discerner sans tabou les défis religieux et politiques qui attendent nos sociétés contemporaines ». Nul doute que, avec un tel projet, un passage par l’œuvre de Marcel Gauchet s’imposait. Membre du Groupe sociétés, religions, laïcités et maître de conférences à l’Institut catholique de Paris et à l’Institut d’études politiques, Olivier Bobineau a choisi pour cela le mode pédagogique. Son court essai se présente comme une introduction documentée à la pensée du philosophe. Les quelques repères biographiques fournis sont l’occasion pour « l’élève » Bobineau, plein du « désir de progresser en compagnie du maître », de montrer combien l’auteur du Désenchantement du monde (paru en 1985 chez Gallimard), issu d’un milieu modeste et de culture catholique, n’a, en réalité, « aucun des attributs de l’intellectuel français » : ni l’agrégation, ni le passage par l’École normale supérieure ou Sciences-Po, ni, surtout, thèse de doctorat. Loin de le déplorer, le jeune sociologue y voit au contraire l’une des raisons de « sa capacité à investir de vastes champs du savoir et à développer des problématiques originales à partir d’intuitions mais aussi de lectures tous azimuts, bref, en dehors des cadres ».
De fait, Le Désenchantement du monde, point d’orgue de sa réflexion sur religion et politique, est une brillante analyse à la fois historique, ethnologique et philosophique, qui réoriente de manière décisive le rapport de notre monde à la religion. Marcel Gauchet y développe sa célèbre thèse selon laquelle le christianisme est « la religion sortie de la religion ». Alors que la religion est à ses yeux « ce qui opère la rupture fondatrice et fondamentale entre le visible et l’invisible », la « révolution chrétienne », grâce au dogme de l’Incarnation – et à ses corollaires que sont la foi, l’Église et le « roi chrétien » – permet « à la sphère terrestre » d’acquérir une « consistance autonome ». « Avec l’Incarnation, écrit Olivier Bobineau, l’idée d’un Dieu infiniment autre et en même temps intime à l’être humain, aboutit à une “scission du divin”. » L’assujettissement au passé, qui prévalait jusque-là, est remplacé par un principe d’émancipation et « l’Incarnation, en distinguant surnature divine et nature humaine, les valorise toutes deux ».
Le jeune sociologue, artisan de la formation des imams à l’Institut catholique de Paris, résume de manière fort attrayante les grandes lignes directrices du Désenchantement du monde, ainsi que les apports des ouvrages postérieurs. En revanche, les douze questions posées en fin d’ouvrage à Marcel Gauchet, insuffisamment liées entre elles, laissent davantage le lecteur sur sa faim.
ANNE-BÉNÉDICTRE HOFFNER
(1) D’autres ouvrages sont déjà parus dans cette même collection : Une société en quête de sens politique, en collaboration avec Jean-François Petit, Guillaume de Thieulloy ; Balayer la paroisse ? Une institution catholique qui traverse le temps, sous la direction d’Olivier Bobineau, Alphonse Borras et Luca Bressan ; La Coresponsabilité dans l’Église, utopie ou réalisme ?, sous la direction de Jean Guyon ; Dieu et César, séparés pour coopérer ?, sous la direction de Jean-Yves Baziou, Jean-Luc Blaquart et Olivier Bobineau.la-Croix.com : Livres – Olivier Bobineau – LE RELIGIEUX ET LE POLITIQUE.